Pourquoi es et pas EJE ?
Plan de l'article
- La formation des travailleurs sociaux, défi pour la transformation du travail social
- Le processus de construction de l’identité professionnelle pendant la formation professionnelle
- Une approche méthodologique adaptée à la durée de la formation
- Résultats : principales raisons de choisir les professions d’éducateur de la petite enfance et d’éducateur spécialisé
- Discussion
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par Marie-Christine Talbot
Dans le domaine du travail social, les professions d’éducateur de jeunes enfants et d’éducateur spécialisé sont nées des courants humanistes et sociaux de la fin du XIXe siècle, mobilisés autour de l’éducation, de la protection des enfants et des plus défavorisés. Au fil du temps, ces professions ont défini plus précisément les contours de leur profession. Pour l’éducateur de jeunes enfants (EJE), il s’agit d’accompagner le développement de l’enfant et son développement, tandis que pour l’éducateur spécialisé (ES), il s’agit de protéger, d’accompagner les enfants, les adolescents ou les adultes vulnérables pour qu’ils grandissent, trouvent leur place dans la société. Ainsi, EJE et ES tissent des liens par le biais d’une relation double ou collective avec l’enfant, l’adolescent ou l’adulte. Aujourd’hui, une réforme de la formation préparatoire à ces professions suggère une orientation vers une base commune de connaissances, de gestion fonctions de coordination ou de supervision. Cette orientation offre une nouvelle dimension à ces professions. Nous nous intéresserons aux individus qui s’engagent dans ces professions afin d’analyser les éléments qui les amènent aujourd’hui à choisir spécifiquement ces professions.
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Dans cette perspective, nous étudierons le processus de construction identitaire des individus en formation et plus particulièrement les représentations de la profession à l’entrée en formation. De plus, nous étudierons les processus de transformation identitaire du stagiaire au professionnel de l’éducation spécialisé et de la petite enfance.
Dans cet article, lié à un travail de thèse en cours, nous évoquerons les approches théoriques mobilisées, notamment associées au processus de construction de l’identité professionnelle et aux représentations, puis nous présenterons la méthodologie de recherche, ainsi que certaines des données analysées que nous allons discuter.
La formation des travailleurs sociaux, apparue au début du XXe siècle, s’est développée particulièrement après la Seconde Guerre mondiale. Il a accompagné les évolutions sociétales et politiques face à l’émergence de nouveaux enjeux sociaux, parallèlement au développement de l’État social. La mission de ces professions est de répondre aux besoins ou aux difficultés des plus vulnérables aux préoccupations de nos sociétés contemporaines, telles que le vieillissement des populations, l’éducation des jeunes enfants, l’inclusion des personnes handicapées, la persistance de la précarité ou l’accueil de populations de femmes migrantes. Les politiques sociales cherchent à répondre à ces situations et s’appuient pour cela sur des professionnels du travail social.
Dans ce contexte de changement, la formation des travailleurs sociaux est concernée par ces sujets, avec des réformes successives montrant l’adaptation aux réglementations européennes, les nouveaux enjeux et formes d’intervention. En France, nous assistons depuis quelques années à l’accélération de ce processus d’ajustement, particulièrement visible depuis la fin des années 1980 (Maillard, 2017). En 2018, une nouvelle réforme a été menée pour les 14 diplômes de travail social inscrits dans le Code d’action sociale et familiale (CASF). Depuis 2010, divers rapports, dont le rapport ministériel de juillet 2015 (Bourguignon, 2015), ont déclaré la nécessaire modernisation de l’appareil d’entraînement, préconisant une refonte de la formation.
Lorsque des professions spécifiques ont été déclinées dans différents domaines professionnels, une nouvelle architecture doit être modélisée en fonction de la forme des bases de connaissances communes à ces professions. Le but de cette réforme est de conduire les travailleurs sociaux vers une culture commune autour d’une identité professionnelle partagée, de l’adaptation de la formation à la mobilité et de l’évolution des pratiques professionnelles. Les institutions de formation ont été chargées de mettre en œuvre les nouvelles normes depuis septembre 2018.
La transformation des référentiels de formation nécessite une ingénierie pédagogique dans le développement de ce projet, que les équipes de formation doivent saisir. Dans ce contexte, il semble approprié, au-delà des questions d’ingénierie, de s’interroger sur ce qui amène ces jeunes adultes à s’orienter vers les professions sociales, afin de mettre en perspective les projections et les attentes des sujets entrés dans la formation des travailleurs. social.
Il s’agit également, dans le cadre plus large de la thèse, de comprendre comment, tout au long de leur parcours de formation, les éducateurs de jeunes enfants et les éducateurs spécialisés élaborent, transforment et négocient leur projet de formation initiale. De cette façon, nous étudierons le processus de construction d’une identité professionnelle. La section suivante cherche à montrer les différents composants du processus de création d’identités.
Le processus de construction de l’identité professionnelle pendant la formation professionnelle
formation La construction identitaire est un processus dynamique qui articule les différentes composantes de l’identité du sujet tout au long de sa vie, à travers lequel d’autres personnes importantes (famille, école, travail) transmettent des éléments d’identification.
Durant l’enfance, le sujet intègre les modes de pensée et d’action de son appartenance à un groupe ; il porte ainsi des identités héritées, des identités attribuées par d’autres, voire attribuées par son environnement d’origine ou par les groupes sociaux auxquels il appartient. Si le sujet est façonné par son histoire, il est néanmoins actif dans ce processus car il vise également à une identité pour lui-même (Dubar, 2000) et, ou pour lui-même pour les autres (Kaddouri, 2011). Ce processus identitaire double interagit et entre en mouvement avec les composants identitaires élaborés, incorporés par l’individu. L’appropriation ou la non-appropriation de ces attributs identitaires influence le sujet et la façon dont il est perçu. Le individu, engagé dans ce processus, développera des stratégies identitaires pour assurer une cohérence entre ce qu’il perçoit de lui-même et ce que les autres perçoivent de lui. L’expérience de formation implique des formes de négociation, de transaction d’identité (Dubar, 2000). L’individu, à partir de l’identité qui lui est offerte dans le cadre d’une formation, se transforme (Chouinard et Couturier, 2006).
Le processus de formation engage le sujet dans une transformation où la négociation du sujet avec lui-même est à l’œuvre. Sa rencontre avec de nouveaux environnements l’ouvre à de nouvelles relations dans lesquelles il cherche à la fois à réaliser son propre projet et à réaliser son propre projet (Kaddouri, 2002). Les différentes composantes de l’identité du sujet sont invoquées, car le défi est pour lui de préserver un sentiment de continuité et de cohérence. Le processus de construction identitaire, élaboré à partir de l’identité personnelle, cognitive et émotionnelle du sujet, fait appel à des représentations sociales qu’il réinterprète pour construire parce que les représentations sociales et l’identité sociale sont étroitement liées (Cohen-Scali et Moliner, 2008). Les groupes produisent individuellement et collectivement des représentations sociales, qui ont deux effets, d’abord la transformation de la réalité sociale, puis l’influence sur le processus de transformation des sujets en formation. L’appartenance au groupe agit sur ce processus de représentation, les représentations de l’individu étant en partie la manifestation de représentations sociales intégrées par l’individu à travers sa socialisation, par le processus d’ancrage (Moscovici, 1997). En formation, les groupes (professionnels, formateurs ou stagiaires) ont des représentations différentes ; ainsi, au sein d’un collectif, différentes représentations sociales coexistent, qui viennent nuencer l’influence des représentations sociales collectives. En effet, chaque individu poursuit un objectif qui lui est propre : il rassemble, reconfigure de façon singulière les contours de sa propre identité du social représentations à l’œuvre dans ses environnements de vie.
La motivation est une dimension qui interagit avec les représentations sociales et qui est structurée à partir de déterminants externes du sujet en passant par la vie familiale et sociale (Fenouillet, 2011). Cependant, des composants individuels interviennent pour confirmer ou transformer la direction. La motivation peut guider l’individu dans la construction de son identité professionnelle. Le défi auquel l’individu est confronté lorsqu’il s’engage dans une formation est la confrontation avec des antécédents, des situations et des expériences variés qui les amèneront à reconsidérer leur situation. La formation par l’ouverture à de nouveaux mondes sociaux participe ainsi au processus de transformation de l’identité.
Dans ce contexte, nous pouvons faire l’hypothèse que la construction identitaire des individus et les représentations sociales intégrées lors de leur socialisation orientent le choix vers la profession d’éducateur de jeunes enfants ou d’éducateurs spécialisés.
Une approche méthodologique adaptée à la durée de la formation
Pour étudier le processus de construction identitaire des sujets en formation, nous avons utilisé la méthode longitudinale dans une approche quantitative et qualitative. Cette approche longitudinale permet de situer les individus dans le temps : les trois années de formation en alternance, lorsque cette formation a lieu dans leur vie et la génération à laquelle ils appartiennent (Dubar, 2002). La première étape quantitative, sur laquelle nous nous basons dans cet article, a permis de collecter des informations lorsque les individus entrent en formation.
Un questionnaire a été soumis aux jeunes en formation EJE et ES, ce questionnaire comprenant sept thèmes : situation familiale des stagiaires, situation professionnelle parentale, éducation et formation, expérience professionnelle ou bénévolat, découverte de la profession, composantes de l’orientation, stage et projection professionnelle. Dans le cadre de cet article, dans afin de répondre plus précisément à la question de recherche, nous conservons le thème « composantes de l’orientation ». Ces éléments pourront éclairer une première partie du choix de l’orientation professionnelle.
La collecte de données a été effectuée au début de la première année de formation avec deux échantillons, composés pour l’un des 116 éducateurs de la petite enfance et pour les 116 autres éducateurs spécialisés.
L’approche longitudinale permet de situer l’évolution des projets individuels dans le temps. Dans l’enquête quantitative, nous avons cherché à identifier les éléments qui ont conduit au choix professionnel, les résultats présentés ici sont basés sur la composante de l’orientation. Cette partie comprenait quatre sous-thèmes : les représentations des professions EJE et ES, les motivations de la profession choisie, les éléments extérieurs à l’orientation, l’hésitation avec une autre profession. Nous retenons deux éléments : les représentations de la profession au début de la formation et les motivations pour celle-ci. Cette première fois correspond à une époque où les jeunes qui sont encore novices ont encore une expérience limitée de la formation. C’est un moment où l’identité professionnelle est initiée.
Résultats : principales raisons de choisir les professions d’éducateur de la petite enfance et d’éducateur spécialisé
Représentations de l’EJE et de l’ES de leur profession au début de la formation
Ce thème faisait référence à la question suivante : « Pour vous, qu’est-ce que la profession d’éducateur de la petite enfance représente pour vous, ou pour vous, que représente le métier d’éducateur spécialisé ? » Plusieurs réponses ont été proposées : la transmission des valeurs éducatives, la participation à l’éducation, le sentiment d’être utile, l’épanouissement personnel, la solidarité, l’engagement, la diversité des activités, etc. La directive a invité trois propositions à être retenues. Les réponses révèlent des éléments communs aux deux professions et des éléments spécifiques.
Éléments communs : la transmission de l’éducation les valeurs, le sentiment d’être utile, l’épanouissement personnel et la diversité des activités
Le tableau ci-dessous présente les éléments communs aux deux professions :
Plus des deux tiers des YES (67 %) et plus de la moitié des éducateurs spécialisés (59,1 %) parlent de leur engagement envers la transmission des valeurs éducatives. Les attentes professionnelles sont élevées pour les deux groupes et plus particulièrement pour l’EJE. Cette représentation peut prendre son origine dans les valeurs reçues, transmises au sein du milieu familial ou dans l’appartenance sociale du groupe, précédemment transmise dans la sphère privée et sociale.
La deuxième représentation commune est le sentiment d’être utile (EJE : 39 % ; ES : 44 %) partagé par moins de la moitié des deux cohortes. Cette réponse souligne l’importance que les individus accordent à la quête d’eux-mêmes. Ici, le sens de l’utilité fait référence au regard des autres sur soi-même, de soi-même pour les autres, mais aussi de soi-même pour soi-même. et à la reconnaissance du sujet par lui-même, pour lui-même et pour les autres.
La troisième représentation mentionnée est l’épanouissement personnel. Plus de deux ETJ sur cinq expriment un sentiment d’épanouissement (44,3 %) contre un sur trois (30,4 %). L’épanouissement personnel est une quête unifiée et cohérente de soi, en vue de se construire soi-même et du plaisir d’être soi-même. L’écart entre les réponses peut être lié aux différences d’âge. Les EYE sont plus jeunes que les éducateurs spécialisés ; alors que 63 % d’entre eux ont entre 18 et 21 ans, ce groupe d’âge ne représente que 44 % des éducateurs spécialisés. En ce moment, le sentiment d’épanouissement personnel, la construction de l’identité de soi dans ses dimensions, l’affectif personnel sont mis en évidence. Ces dimensions sont ensuite particulièrement mises en œuvre au début de la formation. Parmi les éducateurs spécialisés, les groupes, les personnes âgées, l’épanouissement personnel est un élément important de leur future situation professionnelle.
Une représentation finale est mentionné : il s’agit de la diversité de l’activité. Pour EJE au début de la formation, la diversité des activités est plus importante (34 %) que parmi les ES (25 %). Les stagiaires ici montrent des attentes en termes de mouvement, de dynamique. Nous pouvons ici formuler des hypothèses concernant des travaux non routiniers.
Tous ces éléments illustrent le lien entre les représentations de la profession et les motivations à s’orienter dans un métier donné. Les éléments uniques et personnels de l’identité sont engagés dans le processus de formation et seront confrontés à la réalité de la profession à travers l’expérience d’un stage en milieu professionnel. Ils montrent qu’un ensemble de représentations professionnelles communes existe dès le début de la formation.
Des représentations spécifiques pour chaque profession
Le tableau ci-dessous rassemble les différentes représentations associées à l’emploi auquel chacun des groupes interrogés est destiné :
Pour répondre à cette question, trois d’autres réponses ont été proposées : participation à l’éducation des générations futures, solidarité et engagement. Les réponses révèlent des différences significatives pour chacune des populations.
Premièrement, la représentation que la profession participe à l’éducation des générations futures est un élément partagé par plus de la moitié des EJE (59 %), alors que pour ES cette représentation de la profession est rarement mentionnée, ces derniers choisissent deux fois plus cet élément (30 %). Cette différence remet en question la portée et la signification de la participation à l’éducation pour les deux populations. Le mot éducation peut être associé au registre de l’enfance. Il est plus facilement utilisé par les YED pour lesquels les enfants sont le public préféré. Les éducateurs spécialisés, quant à eux, travaillent avec des populations de différents groupes d’âge, et la participation à l’éducation peut être considérée comme un aspect de leur activité parmi d’autres.
Une minorité d’EJE (10 %) identifient la solidarité comme une représentation pour intégrer la profession tout en ES choisit cette réponse pour près de la moitié d’entre eux (43 %). Ce résultat montre une représentation de la profession ES très fortement associée à la solidarité. La solidarité peut être un élément, un but ou une valeur déterminant l’identité professionnelle. On peut ici s’interroger sur l’origine de cette forte présence des sujets. La solidarité peut prendre son origine dans des identités héritées ou revendiquées. Il peut être considéré comme un élément déterminant de l’identité professionnelle dans laquelle le sujet se reconnaît et souhaite être reconnu. Cela interroge la représentation sociale de la profession dans laquelle les stagiaires s’engagent à travers le prisme des représentations individuelles du sujet.
L’engagement, proposé dans le cadre de la représentation sociale de cette profession, est peu mentionné par l’EJE (27 %). Pour ES, l’engagement est un facteur déterminant pour la moitié d’entre eux (50 %). Si l’écart est moins important que pour l’élément de solidarité, il indique les représentations professionnelles en fonction des différents référents. L’engagement ouvre une dimension sur le registre d’un soi impliqué, le sujet projette une vision de la profession au-delà de l’activité elle-même, comme une image idéale de soi-même à l’avenir. Le choix de cet article renforce une forme de reconnaissance de soi dans cette perception de la profession. L’engagement peut être perçu comme une dimension inhérente à la profession elle-même ou comme un élément nécessaire pour que le sujet s’engage en fonction de ses propres objectifs et composantes identitaires.
Motivations pour entrer en formation pour la profession d’ES ou d’EJE
Une autre question posée était la suivante : « Quelles sont vos motivations pour la profession d’éducateur de jeunes enfants et/ou quelles sont vos motivations pour la profession d’éducateur spécialisé ? Les répondants ont pu répondre à partir de sept propositions : la relation avec le public, le travail d’équipe, le développement des compétences, le contact avec les familles, l’autonomie dans le travail, la diversité des lieux de travail, la sécurité de l’emploi.
Éléments communs : le la relation avec le public, le travail d’équipe, le développement des compétences et la diversité des structures
Le tableau ci-dessous présente les quatre éléments qui ont reçu des réponses très proches :
La relation avec les utilisateurs est soutenue par les stagiaires EJE et ES ; cette proposition produit un résultat presque identique (EJE 96,6 % ; ES 98,3 %). L’intérêt pour les utilisateurs est unanime dans les deux populations et apparaît comme une motivation centrale dans le choix de la profession. Ce centrage sur le public est un point qui mérite d’être approfondi aujourd’hui car ces professions sont organisées au-delà du public autour de questions de gestion ou de coordination.
La deuxième motivation commune est celle du travail d’équipe. La majorité des JSE sont motivés par le travail d’équipe (51 %), comme l’ES (59 %). Cette motivation peut être associée aux représentations sociales véhiculées par ces professions et à l’attente des stagiaires autour de cette forme de travail collectif.
La troisième motivation le développement des compétences est mentionné en commun pour environ un quart de chaque population, la proportion de réponses étant presque identique. Le développement de vos compétences peut être une motivation pour entrer en formation. Cependant, il apparaît comme une motivation secondaire.
Une quatrième motivation est la diversité des lieux de travail. Cette proportion semble être partagée par certains des EJS (46,6 %) et par une grande majorité des SE (64,3 %). Malgré un écart important, il est commun aux deux formations, la diversité des lieux de travail étant au cœur de celles-ci. Il peut également s’agir d’une aspiration professionnelle, car les jeunes stagiaires, dans leur projet professionnel, peuvent être motivés par cette variété de lieux de travail. La diversité des structures, offre une ouverture d’esprit, permet d’évoluer au sein d’une carrière.
Un élément contrasté : les relations avec les familles
Les réponses à ce sujet sont particulièrement contrastées : la principale motivation est le contact de trois YEJ sur cinq (60 %) avec les familles. Il s’agit d’un élément essentiel motivation, alors qu’un seul ES sur quatre choisit ce thème (28 %). Pour les YED, la question de la famille est liée à la préoccupation de la petite enfance et au lien « naturel » entre l’enfance et la famille. En effet, dans les modes d’accueil des jeunes enfants, la présence du parent est inhérente à l’accueil de l’enfant, par le lien qui le lie à son parent. Les ES concernent les familles, les adultes dont les difficultés ne sont pas traitées uniquement par le prisme de la famille. Les établissements où ils travaillent accueillent plus rarement les enfants et leurs parents.
Discussion
Dans ce contexte de réforme des formations sociales, l’un des objectifs est de créer une culture commune pour les travailleurs sociaux. En ce qui concerne les premiers résultats, des éléments communs aux deux groupes concernant leurs attentes professionnelles sont présents dès leur entrée en formation. Ces résultats mettent en évidence les représentations partagées par EJE et ES : la transmission des valeurs, le le sentiment d’être utile, l’épanouissement personnel et la diversité des activités. Il en va de même pour les raisons qui ont conduit au choix de la profession : les relations avec le public, le travail d’équipe, la diversité des lieux de travail sont conservés par les deux populations.
Ces résultats permettent d’identifier les principaux éléments qui contribuent à l’orientation vers les professions EJE et ES. Leur choix de formation repose plus particulièrement sur un élément identitaire commun aux professions du travail social, à savoir la relation avec les autres. Ces deux groupes présentent des similitudes dans l’intérêt manifesté pour les publics auxquels ils sont destinés. Les deux groupes déclarent presque unanimement cette relation avec les autres comme l’élément essentiel de ces professions, une forme d’autoreprésentation de soi (Kaddouri, 2002). Il peut apparaître à ce stade comme une représentation partagée de l’identité.
Toutefois, si nous trouvons des points communs, il y a d’autres éléments qui différencient ces deux groupes, à commencer par l’âge et genre. En effet, l’EJE est très largement représentée par des jeunes femmes, ces dernières étant fortement représentées dans le secteur de la petite enfance (Dubechot, 2010). Les ES sont un groupe plus âgé, composé de plus d’un quart des hommes. Cela met en lumière la question du genre dans les professions de la petite enfance et de l’éducation spécialisée. Les représentations sociales des rôles féminins et masculins, malgré l’évolution des pratiques sociales, semblent persister dans l’espace social (Moliner, 2001). Au cours de la formation, cette question sera réexaminée par des individus confrontés à leur identité héritée, celle qui leur est assignée. Cette mission peut être un élément de questionnement du projet professionnel, mise en perspective avec le projet de soi, de nouvelles expériences jouant le rôle de révéler une dimension professionnelle particulière.
Un autre élément semble différencier les deux groupes. À la question de la représentation de la profession choisie au début de la formation, les réponses données suggèrent pour l’EJE un se concentrent sur la dimension éducative tandis que les ES choisissent les valeurs de solidarité et d’engagement. Deux postures apparaissent. L’un d’eux est axé sur les activités éducatives. Les éducateurs de jeunes enfants sont appelés à participer tôt au processus éducatif de l’enfant. Les ES déclarent une autre posture, plus axée sur la justice sociale et l’engagement, mettant en avant une dimension plus militante.
Le défi de cette recherche vise à suivre au cours de la formation la transformation de l’identité des individus, en interaction avec de nouveaux environnements professionnels, la stabilité ou la mobilité des représentations professionnelles. L’âge, l’expérience des stagiaires, leur affiliation sociale et l’influence des différentes expériences de formation sur la construction identitaire seront des éléments questionnés au cours du processus de formation.
La prochaine étape consistera à analyser la façon dont les sujets engagés dans le processus de professionnalisation sont confrontés à un remaniement de leur identité personnelle et professionnelle. Un autre objectif est également pour identifier comment les nouveaux environnements de formation contribuent à la construction identitaire et agissent sur les représentations des individus.
Les différents éléments que nous avons présentés engagent les sujets vers ces professions. S’ils sont à l’origine de l’orientation initiale, les nouveaux environnements seront-ils les déclencheurs d’une transformation du projet professionnel soutenant la construction de soi à travers un projet professionnel pour soi-même (Bourgeois, 2006) ? Les réponses à cette question devraient permettre de clarifier le rôle des activités pendant la formation et surtout pendant les stages, dans la construction de l’identité professionnelle de ces deux populations d’éducateurs.
Références bibliographiques
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- Chouinard I. & Couturier Y. (2006). Identité professionnelle et autosoins en travail social. Échos et débats du NPS, 19 (1), 176-182.
- Cohen-Scali V. et Moliner P. (2008). Représentations sociales et identité : relations complexes et multiples. Orientation scolaire et professionnelle, 37 (4), 465-482.
- Dubar C. (2000). Socialization : building social and professional identities (5e éd.). Paris, Armand Colin.
- Dubar C. (2002) L’articulation des temporalités dans la construction des identités personnelles : questions de recherche et problèmes d’interprétation. Temporaliste, 44, 42-49.
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- Kaddouri M. (2011). Raisons identitaires des formes d’engagement dans la formation. Connaissance, 25, 69-86.
- Maillard F. (2017). La refondation des diplômes dans un but professionnel : un nouveau leitmotiv des politiques publiques. Dans Molina Y., Monceau G., Social Sector Formations Today, Transformations and Diversifications (29-37). Rennes, Presse EHESP.
Pour citer cet article :
TALBOT Marie-Christine. « Les représentations professionnelles des éducateurs de la petite enfance et des éducateurs spécialisés dès leur entrée en formation », avril 2019