Quel licenciement en cas de cessation d’activité ?
Par Franc Muller — Avocat spécialisé en droit du travail, Paris
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La cessation d’une entreprise est-elle un motif de licenciement économique ?
La réponse à cette question doit être nuancée et nécessite une distinction entre l’arrêt partiel et l’arrêt total de l’activité.
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I- La cessation partielle de l’activité d’une entreprise ne justifie un licenciement économique que si les conditions légales sont remplies,
Ainsi, conformément aux dispositions du Code du travail, la cause de cette cessation d’activité doit résulter soit de difficultés économiques, soit de changements technologiques, soit d’une réorganisation de l’entreprise nécessaire pour préserver sa compétitivité (article L 1233-3).
La cessation partielle d’activité ne constitue donc pas à elle seule une cause de licenciement.
La jurisprudence, qui est bien établie à cet égard, nous fournit plusieurs exemples.
Un employeur qui avait cessé son activité de transport et vendu son camion, avait congédié un chauffeur pour des raisons économiques.
La Cour de cassation déclare à tort que la cessation de l’activité de transport ne représentait qu’une partie des activités de l’employeur et ne pouvait en soi constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement, puisque l’employeur n’a pas mentionné dans la lettre de licenciement des difficultés économiques ou une réorganisation de l’entreprise liée à cette situation (Cass. Soc. 13 octobre 2015 n° 14-17889).
La solution est la même lorsque la cessation partielle d’activité résulte de l’activité d’un tiers , comme vient de le préciser le Regulatory Court.
L’affaire concernait une filiale du groupe ACCOR, qui exploitait un hôtel SOFITEL dans l’aéroport de Lyon.
Cette entreprise (l’employeur) avait été informée par la Chambre de commerce et d’industrie de Lyon, qui gère l’aéroport, de la résiliation du contrat accordé au groupe Accor l’autorisant à exploiter l’hôtel SOFITEL.
Dans ce contexte, l’hôtel avait fermé ses portes et les employés avaient été licenciés pour des raisons économiques en raison de la décision prise par la Chambre de commerce.
La High Court a fait droit à la demande d’un salarié contestant son licenciement, déclarant qu’ « une cessation partielle de l’activité de l’entreprise ne justifie un licenciement économique qu’en cas de difficultés économiques, de changements technologiques ou de réorganisation de l’entreprise nécessaires pour préserver sa compétitivité, peu important que la fermeture d’un établissement de l’entreprise résulte de la décision d’un tiers » (Cass. Soc. 23 mars 2017 no 15-21183).
II- La cessation totale de l’activité de l’employeur peut, en revanche, constituer en soi une cause économique de licenciement, à condition qu’elle ne soit pas due à la « légèreté blâmable de l’employeur » (Cass. Soc. 16 janvier 2001, no 98-44647).
Une cessation complète et définitive de l’activité de l’entreprise justifie donc, en principe, le licenciement pour raisons économiques des salariés qui y sont employés (et qui n’ont pu être reclassés), sauf si l’employeur, par sa conduite, a déterminé cette fin irrémédiable.
La légèreté blâmable, qui introduit un critère moral d’évaluation, permet de sanctionner l’employeur qui a agi en s’affranchissant des exigences légales, telles que la sauvegarde de l’emploi, afin de favoriser d’autres intérêts que la loi place en arrière-plan (tels que l’intérêt financier).
Cette qualification de légèreté blâmeuse a été maintenue par rapport à une société française, filiale d’un groupe international, dont l’employeur avait choisi de sacrifier la stabilité de l’emploi des salariés sur l’autel de la rentabilité au profit de l’actionnaire du groupe.
Ainsi, dans cette affaire DUNLOP, les licenciements pour raisons économiques des salariés avaient été invalidés, alors que l’entreprise, dont l’activité était le stockage de pneus et leur commercialisation en gros auprès de nombreux opérateurs sur le territoire français, avait cessé ses activités au début de 2006, entraînant le licenciement des salariés licenciés. Elle employait.
La Cour d’appel, saisie par les salariés considérant leur licenciement injustifié, a notamment noté, « que le déclin de l’activité de l’entreprise était imputable aux décisions du groupe, qu’elle ne connaissait pas de difficultés économiques, mais qu’elle obtenait plutôt de bons résultats, qu’elle n’était pas indépendante distributeur, il a très logiquement bénéficié de conditions d’achat préférentielles du groupe, dont il était la filiale à 100 % par l’intermédiaire d’une holding et que la décision de fermer a été prise par le groupe, non pas pour sauvegarder sa compétitivité, mais pour réaliser des économies et améliorer sa propre rentabilité, au détriment de l’emploi stabilité de l’entreprise concernée ; elle a ainsi pu déduire que l’employeur avait agi avec une légèreté blâmable et que les licenciements étaient dépourvus de toute cause réelle et sérieuse »
A cette occasion, la Chambre sociale de la Cour de cassation avait précisé que si, en cas de fermeture définitive et totale de l’entreprise, le juge ne peut, sans tenir compte de l’autonomie de ce motif de licenciement, déduire la faute ou la légèreté blâmable de l’employeur du simple absence de difficultés économiques ou, au contraire, en déduisant l’absence de faute de l’existence de telles difficultés, il n’est pas interdit de tenir compte de la situation économique de l’entreprise lors de l’évaluation du comportement de l’employeur (Cass. Soc 1er févr. 2011 n° 10-30045).
Enfin, il convient de noter que la loi sur le travail du 8 août 2016, modifiant la définition du licenciement pour raisons économiques et incorporant jurisprudence, ajoute au Code du travail la cessation de l’activité de l’entreprise, comme motif justifiant un tel licenciement (nouvel article L 1233-3 du Code). du travail).